LA VOIX : la pépite perdue des opérateurs
La voix est un sujet que les opérateurs ont longtemps maitrisé mais dont la valeur a très fortement diminué depuis l’arrivée d’internet. Tout le monde se rappelle des forfaits au début des années 2000 à 59€ par mois contenant 3h d’appels à utiliser 7j/7 et un créneau d’appels illimités (en général le soir de 22h à 8h et le week-end). Toutefois, l’arrivée de la 3G aura fait basculer l’ensemble des gammes forfaitaires des opérateurs vers la valorisation des Mégaoctets plutôt que de minutes d’appels, d’abord 100Mo puis 500Mo jusqu’à 100Go aujourd’hui. A contrario, la voix, quant à elle, a fait le chemin inverse, passant e 3h d’appels, à l’illimité le week-end, puis le soir, puis toute la semaine. Rares sont les forfaits aujourd’hui qui ne proposent pas des appels illimités et cerise sur le gâteau, l’international est désormais inclus au même prix !
Si le consommateur (et nous, auteurs de cet article), nous réjouissons de cette évolution des prix en notre faveur, les opérateurs de leur côté ont de quoi se mordre les doigts en ayant perdu une partie de leur profitabilité. En effet l’ARPU diminue de 6 € en moyenne entre 2006 et 2012 pour s’effriter complètement depuis l’arrivée de Free en 2012 et la guerre des prix sur les forfaits mobiles (source: Next Inpact).
Malgré l’intérêt décroissant pour la voix sur les dix dernières années, de nouvelles opportunités ont récemment surgi autour des innovations comme le Podcast ou les Assistants Vocaux, mais elles excluent de facto les personnes non technophiles et les opportunités de monétisations sont dans les mains des grands acteurs du web. Les opérateurs se retrouvent ainsi mis de côté, aussi bien vis-à-vis des utilisateurs et de leurs nouvelles habitudes qui sont et seront bouleversées par ces gadgets, que vis-à-vis des marques qui ne passeront plus par leurs services.
LA LEGITIMITE : Pourquoi les opérateurs ont-ils toujours un rôle à jouer sur la voix ?
Les opérateurs ont toujours un bon coup à jouer étant donné qu’ils maitrisent d’une part leur audience (qui a toujours besoin de communiquer et qui utilise donc l’infrastructure des opérateurs) et d’autre part les différents canaux multiples à disposition pour toucher cette audience. En rajoutant à ces deux facteurs le fait que la voix constituait leur cœur de métier il y a de cela une vingtaine d’années, les opérateurs sont tout à fait légitimes pour se positionner sur ces sujets.
L’audience est la principale force des opérateurs. Chaque opérateur français dispose d’une dizaine de millions d’abonnés sur mobile, avec des offres tarifaires contenant pour l’écrasante majorité de la data. Ces clients sont représentatifs de la population française d’après la loi des grands nombres et nous y retrouvons des profils ultra-technophiles comme d’autres moins à l’aise avec les technologies.
Si nous constatons que la plupart des opérateurs proposent des fonctionnalités liées à la voix sur leurs télécommandes de box internet, sur leurs applications mobiles, il semblerait que l’ensemble des projets soient orientés autour des clients utilisateurs d’internet, car c’est là que réside la majorité des clients. Cela exclut malheureusement des services, et donc de la monétisation, 25% de la population qui n’a pas de Smartphone (source: Baromètre du numérique 2018 sur https://www.arcep.fr/ téléchargeable ici). Et puisque tous les acteurs récents de la voix sont adossés au digital, il reste encore 25% des clients qu’ils ne peuvent adresser et pour lesquels les opérateurs sont les interlocuteurs privilégiés !
L’autre force des opérateurs est le multicanal. Que cela soit à travers les offres quadruple play comprenant le device mobile (Smartphone, Feature Phone), la box internet, le décodeur TV ou du téléphone fixe, les points de contact propres aux opérateurs sont nombreux et pour certains strictement inaccessibles à d’autres acteurs. Les cartes SIM en sont un bon exemple. Ce canal de communication propre aux opérateurs peut être utilisé pour proposer des services sur les cartes SIM. C’était le cas avec le SIM Toolkit déjà présent depuis quelques années pour certains opérateurs, mais il est possible d’aller encore plus loin en proposant des contenus vocaux sur le carnet de contact des cartes SIM : le client appelle alors un service proposé par l’opérateur et rentre dans un échange vocal.
LE FUTURE : quels sont les pistes possibles ?
Si l’audience semble réceptive et que la distribution le permet, tout semble être en ordre de marche pour que les opérateurs puissent commencer à construire l’usage de la voix et à le valoriser. Pour cela, nous partageons avec vous notre vision de cette construction en distinguant plusieurs types de voix :
1. Les Services Vocaux Mobiles
Il s’agit de l’interaction la plus basique via le canal vocal : l’utilisateur écoute un contenu, va chercher un service en utilisant la voix comme interface et comme canal. C’est le cas par exemple lorsque l’on lance une commande vocale sur son téléphone, que l’on écoute un contenu. La voix permet d’activer le service et de le diffuser. La simplicité d’accès pour tous les clients, la simplicité de consommation du service ainsi que la facilité de monétisation de ces contenus à valeur ajoutée en fond aujourd’hui le moyen le plus simple, le plus rapide et le plus efficace pour recréer de la valeur avec la voix. Pour en savoir plus, voir notre article sur « les 5 étapes pour mettre en place des Services Vocaux Mobiles ».
IL EST INDISPENSABLE DE SE PRÉPARER AU FUTUR DES MAINTENANT, MAIS IL NE FAUT PAS OUBLIER DE S’OCCUPER D’AUJOURD’HUI D’ABORD !
2. Le Podcast
Lorsque l’utilisateur consomme ses contenus préférés exclusivement par la voix. Si aujourd’hui la monétisation est encore balbutiante, certaines émissions de podcast parviennent déjà à afficher des CPM à 8€ sur des clients très qualifiés et CSP+, il y a fort à parier qu’elle va exploser dans les prochaines années (source : Les Echos, septembre 2019 ici). Cela représente un double avantage pour les opérateurs : la distribution de leurs contenus enrichis et exclusifs dans un nouveau format (lorsque l’opérateur est adossé à un grand groupe média, les contenus des flashs info, des news sportives etc.) et la capacité à monétiser le tout via leurs propres régies directement et sans intermédiaires.
3. Les Assistants Vocaux
Bien que certains opérateurs aient commencé à travailler sur le sujet en nouant des partenariats avec les GAFA ou en essayant de développer leurs propres solutions, la difficulté réside aussi bien dans la distribution des contenus (le canal proposé ne permet pas de mettre en avant facilement ses contenus par rapport à la concurrence) que la monétisation extrêmement difficile (les achats effectués ne sont souvent pas au profit des opérateurs, sans parler de la marge des constructeurs d’Assistants Vocaux). Tout semble donc indiquer que le futur des Assistants Vocaux tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est qu’un premier pas vers ce que Jean-Christophe Israel (Calvista) appelle le Voice and Display, où, comme dans un film de science-fiction, la voix se mélange avec un écran pour une interaction aussi bien vocale, que digitale.
SE PREPARER : comment commencer à construire l’usage de la voix ?
S’il faut en effet se préparer au futur dès maintenant, il ne faut pas oublier de s’occuper d’aujourd’hui ! En fonction des objectifs opérateurs (rentabilité, éducation des clients, innovation…) plusieurs solutions sont possibles. Chez The Mobile Concept nous recommandons de commencer par le plus simple et le plus efficace, sur un projet qui ne demande pas beaucoup de ressources financières ou de temps dédié au lancement du projet.
Par la suite chaque opérateur devrait commencer à se poser les questions autour de l’interface vocal et de la plus-value qu’il compte apporter à ses clients :
- Choix du canal et plus-value pour le client comme pour l’opérateur
- Définition d’une interface vocale (UX et UI Vocales)
- Définition du service pour le client (pertinence, utilité, fréquence d’usage, monétisation)
- Définition d’une marque vocale (trouver une voix qui incarne la marque, ses valeurs, et parle à tous les clients)
Si prévoir l’ensemble de ces sujets nécessite la mise en place d’équipes projets avec un budget conséquent, il est possible dans un premier temps de mettre en place des Services Vocaux Mobiles répondant d’ores et déjà à l’ensemble de ces critères et qui constituent un tremplin vers le futur de la voix.